Rousseau prend l'insolence pour la grandeur, car il est abject, et il joue la simplicit , car il est faux. Un homme sup rieur n'a pas ce m pris de la v rit , ce go t d prav du sophisme. Il ne vit pas dans cette habituelle m sintelligence avec la raison, car si le bon sens peut se passer de g nie, le g nie ne saurait se passer de bon sens. Rousseau n'est qu'un raisonneur perp tuellement d raisonnable. Peu original dans ses id es, m me les plus hasard es, il n'a bien en propre que le vice et l'audace de le confesser
sa gloire, un orgueil risible par son immensit , et ce savoir-faire qui pr m dite de sang-froid toutes ses fougues de paradoxe, pour tourdir le lecteur et couvrir souvent de s rieux emprunts. - V ritable fils du si cle philosophe ! - Certains critiques, bien
tort, semblent l'y tenir pour tranger. Comment donc ? Quelques singularit s de situation, des bizarreries affect es, de v h mentes d clamations contre les gens du monde et contre les femmes, fort bien calcul es pour ameuter les femmes et les gens du monde, cela prouve-t-il une incompatibilit r elle avec la soci t ? Descendre fastueusement au m tier de copiste de musique, quand on se sent la plume
la main; faire talage de la pauvret , vivre avec Th r se et se prendre de passion pour Mme d'Houdetot; avoir des larmes de bonheur et se d clarer vertueux, quand on a mang de la cr me et dormi sur l'herbe, jouer au sauvage dans la for t de Montmorency, etc., etc., est-ce l ce qui doit faire du citoyen de Gen ve un homme
part entre les contemporains ? Cette existence, au milieu des autres, n'est qu'une antith se qui, sans porter la contradiction sur le fond des choses, assaisonne la forme d'une pointe de ridicule. Le d saccord de Rousseau avec son temps n'est qu'une sorte de d pit amoureux, ou d'amour gauche et bourru, non toutefois sans artifice; ce n'est pas un divorce de principes et de moralit . Qui peut tre dupe de ces simagr es d'ind pendance alti re et retournant au gland ? - Attitude de charlatan qui sent sur soi le regard de la curiosit publique dont il est jaloux, et qui n'a que des vertus et des moeurs de parade. - Qui peut souffrir cette rh torique hurlant contre la corruption, quand le discoureur, toutdes premiers, y prend une part aussi large ? Cette corruption, il l'a respir e pleinement, avidement, il en est ivre; sa nature l'y porte et son me n'y r pugne pas. Il a la marque du si cle, il appartient
ses moeurs, il appartient
son esprit, il lui appartient par le vice, par l'orgueil et la phrase. Dans cette soci t o l'ennui seul se fait craindre, o la vie se passe
jouer, par divertissement, tant d'insipides com dies, Rousseau, d testable comique, fait de sa vie m me un drame
grands effets, et ce vertueux de beau dire, ce farouche d nonciateur des infamies sociales, qu'est-il, qu'un complaisant fard de rudesse, histrion morose qui, par d mangeaison de vanit , livre sa personne en spectacle au d soeuvrement de la galerie ? Certes, ce philosophe, comme tous les autres, ses rivaux ou ses ennemis, est bien l'homme de son temps. (www.sainteface.net)