Charles Nodier a neuf ans lorsqu'eclate la tourmente de 1789. Impossible pour lui d'ignorer la folie meurtriere qui va suivre, son pere est juge au tribunal revolutionnaire du Doubs. A onze ans, il monte a la tribune des Amis de la Constitution pour prononcer un discours jacobin. A treize ans, il assiste a une serie d'executions capitales: l'image de la guillotine ne cessera de le hanter. Lorsqu'il meurt en 1844, il a connu le Directoire, le Consulat, l'Empire, les deux Restaurations, la Monarchie de Juillet, sans parler des revolutions artistiques, essentiellement celle du Romantisme. Deux passions, a priori sans rapport avec cette epoque tourmentee, dominent sa personnalite: l'entomologie et la bibliophilie; est-ce une facon pour lui de trouver dans la quete de l'insecte rare ou du livre precieux la stabilite que lui refuse le spectable des passions qui habitent ses contemporains ? C'est toutefois a partir de sa double experience de la vie, vie reelle et vie onirique, qu'il va tisser une des oeuvres les plus originales de cette premiere moitie du XIXe siecle; oeuvre essentiellement fondee sur la foi dans l'imaginaire et la certitude que le reve et le sommeil sont des voies de la connaissance, au meme titre que l'experience sensible et la raison.